Non, perdre du poids n'est pas "juste une question de volonté"

La restriction cognitive est contre-productive pour perdre du poids

Aujourd’hui, j’avais envie de vous parler d’un truc qui me fait fumer des oreilles.

 

« Maigrir, c’est juste une question de volonté ». Bin oui quoi, pour maigrir, suffit d’arrêter de bouffer et faire 75h de sport par semaine. C’est hyper facile, non ? Non ?

Et les gens en surpoids ou obèses, et bien c’est de leur faute, parce que c’est des fainéants qui se gavent de chips et restent dans leur canapé toute la journée. (Vous voyez mon visage tout rouge et la vapeur qui s’échappe de mes oreilles ? 😡 Non ? Bin attendez un peu…)

 

Bon, si vous avez lu la phrase du début, vous avez compris que « hypothèse » et moi, on n’est pas vraiment copains.

Alors, pourquoi maigrir, ce n’est pas juste une question de volonté ?

Une histoire de poids

Le poids : comment et pourquoi ?

Notre corps brûle de l’énergie issue des aliments pour nous maintenir en vie (grosso modo, 65-70% de l’énergie est dédiée à ça). Il se sert aussi de cette énergie pour digérer les aliments (10-15%). Et le reste, c’est pour l’activité musculaire (20-30%). Ça, c’est évidemment une moyenne, et ça diffère selon si on a un travail assis, si on scie des arbres toute la journée ou si on s’enquille un triathlon par semaine.

 

Et donc, la théorie c’est :

-> Entrées = sorties : le poids stagne

-> Entrées > sorties : on stocke sous forme de graisses

-> Entrées < sorties : ???

 

En cas de restriction calorique trop importante, la dépense de base de l’organisme diminue, toutes les fonctions de l’organisme se mettent un peu au ralenti : la température corporelle diminue légèrement, les activités musculaires deviennent plus compliquées.

[Ça encore, c’est controversé, les études montrent un peu tout et leur contraire]

 

Quand l’apport énergétique reprend, non seulement l’organisme fonctionne toujours un peu au ralenti, mais EN PLUS, il va se dire que stocker plus est une bonne idée ! Beh oui, le seul rôle de notre corps, ce n’est pas le summer body, c’est de nous maintenir en vie !

 

Donc alterner restriction et abondance, c’est vraiment pas la folie pour le corps. Vous commencez à comprendre où je veux en venir ? Les régimes restrictifs, c’est 👎 !

Les causes du surpoids

Donc la conclusion simpliste, c’est que l’obésité est due à des entrées énergétiques trop importantes et/ou des dépenses trop faibles.

 

Et bien figurez-vous que sur une population, il n’y a pas de corrélation entre les apports énergétiques et l’obésité. Et qu’à apport énergétique égal, vous ne prendrez pas le même poids que votre voisin (je suis sûre que vous voyez de quoi je parle 👀)

Je cite le Dr Apfeldorfer : « Le bilan énergétique de nombreux obèses se situe même en dessous de la moyenne. »

 

D’autre part, quand notre corps a plus de poids à déplacer, il consomme plus d’énergie. En valeur absolue, les obèses ont souvent plus de masse maigre (qui consomme beaucoup plus d’énergie que la masse grasse) que les autres.

 

De nombreuses raisons peuvent expliquer une prédisposition à l’obésité, pour n’en citer que quelques-unes :

  • L’histoire familiale
  • Le statut économique
  • Une surabondance d’aliments appétents, qui poussent à manger plus
  • Un dérèglement hormonal, notamment de la thyroïde
Perdre du poids n'est pas une question de volonté

Le poids d'équilibre ou "set-point"

Le poids d'équilibre, une valeur qu'on ne choisit pas

Une partie de l’obésité est en effet génétique. Et comme notre corps cherche à nous maintenir en vie, quels sont nos ancêtres qui ont survécu aux famines ? Et bien ceux qui ont réussi à s’adapter à la disette en puisant et stockant le maximum d’énergie du peu qu’ils mangeaient. « Mais ce qui était un atout en temps de famine devient un handicap lorsque règne l’abondance… », des mots du Dr Apfeldorfer, encore et toujours.

 

Un enfant dont les 2 parents sont obèses a 3 fois plus de chances de devenir obèse qu’un enfant ayant 2 parents minces. Et non, ce n’est pas juste l’environnement familial : ça se confirme même chez des enfants adoptés dans une famille mince. Et l’obésité des familles adoptantes n’a même pas d’influence sur le poids des enfants adoptés !

 

En cause : d’une part, le métabolisme énergétique ralenti, de l’autre, la quantité de tissu adipeux « de base » supérieure.

Car le retour vers le poids de d’équilibre (ou set-point) serait dépendant de nos réserves de graisses, sous forme d’adipocytes, ces cellules qui se gorgent de graisses.

 

Quand on maigrit, ces adipocytes ne sont pas détruits, ils se vident juste de leur contenu, n’attendant qu’une chose : être remplis de nouveau !

En revanche, quand ces cellules sont pleines, elles demandent à des copines endormies de venir leur filer un coup de main : le nombre d’adipocytes augmente, prêts à se remplir à leur tour. Et ça, ça se traduit par un signal disant au corps : « ON A FAIM !! REMPLIS-NOUS !! »

L'homéostasie : le cycle vicieux des obèses

L’homéostasie, c’est la fonction du corps qui consiste à revenir systématiquement à ses constantes. Ici, on parlera de celle que l’on ressent (faim/satiété) et de ce qui l’entraîne.

 

Dans notre cerveau, l’hypothalamus commande nos sensations de faim et de satiété, notre appétence pour un aliment particulier et l’intensité du plaisir et du déplaisir que cet aliment provoque. Ça, c’est directement dépendant de notre fameux stock de graisses.

Donc si vos adipocytes demandent à être remplis, non seulement vous aurez faim, mais en plus, ce que vous mangerez sera tellement bon ! Là, je suis sûre que vous commencez à comprendre pourquoi ce n’est pas du tout possible de tenir un régime restrictif sur la durée.

 

On ne citera pas la multitude d’hormones qui jouent un rôle dans ces phénomènes, mais sachez qu’il y a un paquet de monde (sérotonine, dopamine et adrénaline, entre autres). 

 

La leptine et la ghréline sont deux hormones qui régulent principalement la faim et la satiété. La leptine inhibe l’hypothalamus et diminue la sensation de faim. Et bien chez l’obèse, la leptine ne joue plus son rôle. Et la ghréline, qui elle donne faim, grimpe en flèche à chaque perte de poids.

La grossophobie, ou comment on rend responsables les gens de ce qui échappe à leur contrôle

Aimer son corps pour perdre du poids

Donc maintenant, on voit bien que l’obésité, ce n’est pas une question de motivation. Mais pourtant, on dit aux obèses qu’ils sont responsables de ce qui se passe dans leur corps.

 

Vous êtes capables de moduler vos hormones vous ? Parce que moi, non.

Donc :

  • Quand on n’est pas bien dans son corps, qu’on a peur d’être moqué, que chaque mouvement demande plus d’énergie… peut-on blâmer un obèse de ne pas aller à la salle de sport ?
  • Quand notre corps crie famine et fait tout pour nous pousser à manger, c’est aussi notre faute de pas s’arrêter ?

 

De mon point de vue, je n’en ai pas vraiment l’impression. Donc pourquoi cette image sociétale que « le gros » est un épicurien fainéant ?

 

D’ailleurs, les émotions que suscitent la grossophobie (honte de soi, humiliation, dégoût, peur…) agissent comme un activateur de l’anxiété et de comportements alimentaires favorisant le surpoids. On voit bien à quel point ça peut être nocif…

 

Pour résumer, pourquoi ça me met hors de moi quand j’entends ça :

  • C’est grossophobe
  • C’est culpabilisant
  • C’est d’une ignorance sans nom

Bref, c’est une erreur monumentale, et c’est dangereux, ne serait-ce que pour la santé mentale !

 

Tout ce que je raconte là, ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire quand on est en surpoids. Simplement que faire culpabiliser quelqu’un en surpoids, ça n’a rien de productif. Un accompagnement de qualité et un retour à l’alimentation intuitive peuvent faire des miracles.

Donc un peu de bienveillance, autant pour vous-même que pour les autres et arrêtons de dire que « perdre du poids, c’est juste une question de motivation ».

 

En attendant, prenez soin de vous !

Pour aller plus loin :